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Freire et Shor, « Qu’est-ce que la pédagogie critique ? »

(Extraits de l’ouvrage : Medo e Ousadias [Peur et audaces], 1987).

Dans cet ouvrage, Ira Shor, pédagogue critique états-unien, interroge Paulo Freire sur un certain nombre de questions que se posent concrètement les pédagogues critiques dans leur pratique de classe.

L’éducation libératrice :

Paulo Freire : Je suis favorable à ce que l’on exige du sérieux intellectuel pour connaître un texte ou un contexte. Mais pour moi, ce qui est important, et indispensable, c’est d’être critique. La critique créée la discipline intellectuelle nécessaire, en formulant des questions à ce que l’on lit, à ce qui est écrit, au livre, au texte. On ne doit pas se soumettre au texte, être soumis devant le texte. En dernière analyse, c’est une opération très exigeante.
[…]
L’éducation libératrice est fondamentalement une situation dans laquelle aussi bien les professeurs que les élèves doivent apprendre, doivent être des sujets cognitifs, même s’ils sont différents les uns des autres. Cela est pour moi, le premier test d’une éducation libératrice : il faut qu’aussi bien le professeur que les élèves élèves soient des acteurs critiques de l’acte de connaître.

L’autre critère, c’est que l’éducation est un moment durant lequel, vous tentez de vous convaincre de quelque chose et vous tentez d’en convaincre les autres. […]

A travers votre recherche pour convaincre les élèves de votre conviction concernant la liberté, de votre certitude de la transformation de la société, vous devez faire ressortir, qu’indirectement, les raisons du problème sont très loin de la salle de cours, elles sont dans la société et dans le monde. C’est exactement pour cela que le contexte de la transformation n’est pas seulement la salle de cours, mais il se trouve en dehors d’elle. Si le processus est libérateur, les étudiants et le professeur entreprennent une transformation qui inclut le contexte en dehors de la salle de classe lui-même.
[ …]

L’éducation libératrice comme éducation critique :

L’éducateur libérateur doit être attentif au fait que la transformation n’est pas seulement une question de méthodes et de techniques. Si l’éducation libératrice était seulement une question de méthodes, alors le problème serait de changer quelques méthodes traditionnelles en d’autres plus modernes. Mais le problème n’est pas là. La question réside plutôt dans le fait d’établir une relation différente avec la connaissance et la société

La critique que l’éducation libératrice peut offrir n’est pas une critique qui se limite au système d’éducation. Au contraire, la critique libératrice dans la salle de classe va plus loin que le système d’éducation et se convertie en une critique de la société. Il n’y a pas de doute que le mouvement de l’éducation nouvelle, et le mouvement progressiste, ou celui de l’École moderne, ont donné de bonnes contributions pour ce processus d’éducation, mais la critique de l’éducation nouvelle en est restée, en général, au niveau de l’école et ne s’est pas étendue à l’ensemble de la société.

La marque d’un engagement sérieux, dans l’éducation libératrice, est pour moi, une critique qui dépasse les murs de l’école. Il ne suffit pas en dernière analyse de critiquer les écoles traditionnelles, ce que nous devons critiquer, c’est le système capitaliste qui a produit ces écoles. L’éducation n’a pas créée les bases économiques de la société. Bien qu’étant modelée par l’économie, l’éducation peut se transformer en une force qui influence la vie économique. Nous devons analyser le système éducatif lui même dans les termes d’une éducation libératrice. Comment produit-on une éducation systématique dans le cadre général du développement capitaliste ? Précisément en comprenant la nature systémique de l’éducation pour agir de manière efficace dans le cadre des écoles.

L’éducation critique et l’exposé de cours :

[ …] La question n’est pas de savoir si les leçons introductives sont des pratiques « banquaires » [transmissives] ou non, ou si l’on ne doit pas faire de leçon en début de cours. Le problème, c’est plutôt que les enseignants traditionnels ont rendu la réalité obscure en voulant donner des cours expositifs, en voulant coordonner les discussions. L’éducateur libérateur éclairera la réalité même avec des exposés de cours. La question, c’est celle du contenu et du dynamisme de la classe, la manière dont l’objet à connaître est abordé. Est-ce que l’enseignant oriente les étudiants pour une société de type critique ? Est-ce qu’il stimule la pensée critique ou non ?

Comment est-il possible de provoquer une attention critique en parlant ? Comme développer un certain dynamisme dans le mouvement de son discours ? Comment dans le cadre de son discours, avoir l’instrument pour dévoiler la réalité, pour arrêter de la rendre obscure ? C’est cela que l’on peut faire avec des étudiants en une heure de cours ! Ensuite la classe transforme la parole du professeur en un objet de réflexion. Vous amenez votre parole comme une sorte d’analyse du problème, qui est est ensuite problématisée par les élèves et par vous. C’est cela qui est très critique. […]

Je ne peux pas être spontanéiste ! Je ne peux pas laisser les étudiants livrés à eux-mêmes pour tenter d’être un éducateur libérateur. Laisser-faire ! Je ne peux pas tomber dans le laisser-faire. D’un côté, je ne peux pas être autoritaire. D’un autre côté, je ne peux pas tomber dans le laisser faire. Je dois être radicalement démocratique, responsable et directif. Pas directif sur les étudiants, mais directif relativement au processus durant lequel les étudiants sont avec moi. En tant qu’orientant ce processus, le professeur libérateur ne fait pas quelque chose aux étudiants, mais avec les étudiants.
[…]

L’éducation libératrice et la visée professionnelle :

Aussi bien l’éducateur traditionnel que le libérateur n’ont pas le droit de méconnaître les demandes de nos étudiants de recevoir une formation professionnelle et d’acquérir des qualifications pour l’emploi. Ils ne peuvent pas nier les aspects techniques de l’éducation. Il y a une nécessité réelle de spécialisation technique, que l’éducation aussi bien dans une perspective traditionnelle que libératrice, doit traiter. En plus, la nécessite de la formation professionnelle des étudiants à des fins de qualifications pour trouver un emploi est un exigence réelle pour l’éducateur.

Cependant, quelle est l’unique différence qui caractérise un éducateur émancipateur relativement à cette question ? L’éducateur traditionnel et l’éducateur démocratique doivent tous deux être compétents pour former les étudiants relativement aux qualifications que les emplois exigent. Mais l’enseignant traditionnel fait cela avec une idéologie qui se préoccupe de l’ordre établit. L’éducateur libérateur cherche à être efficient dans la formation scientifique et technique des apprenants, mais il tente de dévoiler l’idéologie contenue dans les propres attentes des étudiants.
[…]

L’éducation libératrice : ni autoritarisme, ni licence

Pour moi, l’important c’est qu’un professeur démocratique jamais, réellement jamais, ne transforme l’autorité en autoritarisme. Il ne pourra jamais cesser d’être une autorité, ou d’avoir de l’autorité. Sans autorité, il est très difficile de former la liberté des étudiants. La liberté nécessite de l’autorité pour devenir libre. C’est un paradoxe : mais c’est la vérité. La question pour moi, cependant, est que l’autorité sache que son fondement se trouve dans la liberté des autres. Si cette autorité nie cette liberté et coupe la relation qui l’enlace, alors je pense que ce n’est plus de l’autorité et que c’est devenu de l’autoritarisme. De la même manière, si à côté de la liberté, dans cette dialectique, je ne rencontre pas l’autorité, parce que l’autorité à renoncé à elle-même ou se nie elle-même, la tendance est alors que la liberté cesse d’être de la liberté pour devenir de la licence. Dans aucun des deux cas, nous ne pouvons parler de démocratie, ni de discipline, ni de création et de recréation démocratique de la liberté. […]

Nous devons être clair avec eux [les apprenants]. La relation dialogique n’a pas le pouvoir de créer une égalité impossible. L’éducateur continue d’être différent des élèves, plus – et cela, est pour moi une question centrale – la différence entre eux, c’est que si le professeur est démocratique, si son rêve politique est émancipateur, c’est qu’il ne peut permettre que la différence nécessaire entre le professeur et les élèves se transforme en « antagonisme ». La différence continue à exister ! Je suis différent des élèves ! Mais si je suis démocratique, je ne peux permettre que cette différence soit antagonique. Si elle devient antagonique, c’est que je suis devenu autoritaire. […]

La pratique dialogique :

Je dois répéter une chose ici pour être absolument clair. Au moment où le professeur commence le dialogue, il sait beaucoup, premièrement, en termes de connaissances, ensuite, sur l’horizon auquel il veut parvenir. Le point de départ c’est que le professeur connaît son sujet et où il veut arriver.
[…]
Par exemple, quand j’insiste sur le fait que l’éducation dialogique part de la compréhension que les élèves ont de leurs expériences quotidiennes, que ce soit ce soit des élèves de l’université ou des enfants du premier degré, ou des ouvriers dans un quartier urbain, ou paysans de l’intérieur, mon insistance de commencer en partant de sa description de sa propre expérience de vie quotidienne se base sur la possibilité de commencer à partir du concret, du sens commun, pour parvenir à une compréhension rigoureuse de la réalité. […] La rigueur scientifique vient d’un effort pour dépasser la compréhension naïve du monde .
[…]
La rébellion sans la conscience critique est presque une explosion d’impuissance. Si vous la transformez en une conscience révolutionnaire, alors, vous avez une réaction et une attitude complètement différente. Elle commence à mettre en relation dialectique la tactique et la stratégie. Elle commence à insérer son action dans les limites réelles et les possibilités réelles de l’histoire, à ce moment donné. Beaucoup de choses deviennent possibles à partir de cette transformation de la rébellion.
[…]
Pour moi, l’éducation n’est pas un happening. En tant que professeur libérateur, je suis très clair au sujet de ce que je veux. Cependant, je ne manipule pas les étudiants. C’est cela qui est difficile. Bien que j’ai certaines certitudes sur mes « lendemains » et mes « au-delà », je ne peux pas manipuler les étudiants pour les amener avec moi dans mes rêves. Je dois les éclairer sur ce qu’est mon rêve, mais je dois leur dire qu’il y a d’autres rêves que je considère comme mauvais (rires!). Vous comprenez ? C’est l’alternative que nous avons : être manipulateurs ou être radicalement démocratiques. Cela signifie qu’il faut accepter la nature directive de l’éducation. Il existe une directivité de l’éducation qui ne lui permet pas d’être neutre. Nous devons dire aux élèves comment nous pensons et pourquoi nous le pensons. Mon rôle n’est pas de me taire. Je dois convaincre les élèves de mon rêve, mais pas les conquérir à mes plans personnels. De même que les élèves ont le droit d’avoir de mauvais rêves, j’ai le droit de leur dire que ce sont de mauvais rêves : réactionnaires, capitalistes ou autoritaires.
[…]
[Ce] type d’éducation a toujours un moment que j’appelle « inductif ». C’est le moment durant lequel l’éducateur espère que les élèves arriverons, par leurs propres progrès, à la signification ou à la compréhension de l’idée. Si les élèves avancent dans l’étude critique spontanément : très bien ! On dois les féliciter quand ils le font. Mais il y a des moments où les élèves ne débutent pas leurs propre développement et l’éducateur doit le faire.
Savez-vous quelle est la différence entre un éducateur libérateur et un domesticateur quand ce genre de chose arrive ? C’est que lorsque l’éducateur libérateur commence par assumer la responsabilité d’être inductif, il cherche à trouver le processus pour dépasser le moment inductif afin de le transformer en compagnonnage, c’est à dire en un moment assumé par les propres élèves et non seulement par le professeur. […]
Du fait de cette différence entre méthode dialogique et autoritaire par rapport au moment inductif, j’invite, mes camarades de gauche à être démocrates. Ils ne doivent pas avoir peur de cette parole ! (rires). Naturellement nous devons être créatifs, mais nous ne pouvons pas nous asseoir et espérer que les élèves articulent toutes les connaissances. Nous devons leur montrer l’initiative en leur donnant un exemple de comment le faire.
[…]

Exemple de situation : L’apprentissage à des élèves de la méthode du résumé de texte

Supposons que vous commenciez à travailler avec un groupe d’étudiants, et que vous constatez, pour différentes raisons, qu’il est plus inhibé que les autres, qu’il est plus long à assumer une quelconque action, qu’il ne croit pas encore en lui-même, à sa capacité de faire des résumés. Vous sentez plus ou mon cela, vous allez être contraint durant trois ou quatre séances de faire des résumés, pour leur enseigner à faire des résumés, pour que cela soit un exemple pour les élèves. Parce que l’éducation, c’est surtout des exemples à travers des actions. Cependant, vous ne faîtes pas des résumés seulement pour montrer aux élèves que vous savez faire un résumé. Ce n’est pas une question de vanité ou d’orgueil de professeur. Non, vous êtes un éducateur. Vous faîtes des résumés pour leur montrer comme faire un résumé. Toutes ces choses sont contenues dans votre action dialogique comme un exemple d’activité critique. […] Vous devez attirer l’attention des élèves vers le fait spécifique du résumé, comme moment de leur éducation, et sur en quoi consiste cette tache de résumer. Cela constitue la réflexion spécifique du professeur sur le résumé, il dirige l’attention critique des étudiants, en leur révélant la façon de le faire.
En faisant cela, vous joignez la parole à l’action. Vous ajoutez les raisons pour lesquelles le professeur fait un résumer.
[…]
Par exemple, supposons que le premier jour de cours, vous commenciez pas faire un résumer. En premier lieu, vous pourriez leur demander ce que veut dire un « résumé». Et à la fin de la discussion leur demander « pourquoi on fait un résumé ? ». Remarquez bien qu’au moment où vous les amener à se distancier de l’acte de faire un résumer, le résumer cesse d’être une activité bureaucratique de salle de classe, il se transforme en un moment fondamental de l’acte de connaître, vous comprenez ? (rires). C’est en faisant ce type de question réflexive sur l’acte de réflexion, que vous commencez à les encourager à assumer cette posture cognitive, avant même la tâche de faire des résumés. […]

Synthèse des idées précédentes :

Sur le droit d’initier la transformation de la conscience, je pourrais résumer ce que j’ai déjà dit sur la manipulation, la domination et la liberté, et ensuite, sans doute, approfondir certains points. J’ai dit que l’éducateur libérateur ne manipulait jamais les élèves et il ne les abandonnaient pas non plus à leur propre sort. L’opposé de la manipulation n’est pas le laisser-faire, ce n’est pas la négation de la responsabilité que le professeur possède dans la direction de l’éducation. Le professeur libérateur ni ne manipule, ni ne se lave les mains de la responsabilité qu’il a des élèves. Il assume son rôle directif nécessaire pour éduquer. Cette directivité n’est pas une position de commandement, « faîtes ceci » ou « faîtes cela », mais une posture pour diriger une étude sérieuse d’un sujet, pour que les élèves puissent réfléchir sur la nature intime de ce sujet d’étude. J’appelle cette position démocratie radicale parce qu’elle mêle la directivité et la liberté en même temps, sans autoritarisme de l’enseignant et sans licence des élèves.

Ce n’est pas pas de la domination. La domination ce serait si je disais que l’on doit croire en cela parce que je suis en train de le dire. La manipulation, c’est dominer les élèves. La manipulation, par exemple, créé également des mythes sur la réalité. Elle nie la réalité, elle la fausse. La manipulation c’est tenter de vous convaincre qu’une table est une chaise, c’est obscurcir la réalité. La classe libératrice, au contraire, éclaire la réalité. Elle dévoile la raison d’être des objets d’étude. La classe libératrice n’accepte pas les statu quo et les mythes de liberté. Elle stimule l’élève pour dévoiler la manipulation de la réalité et les mythes de la société. Dans ce dévoilement, nous changeons notre compréhension de la réalité, notre perception.

L’éducation a toujours une nature directive que nous ne pouvons pas nier. Le professeur a un plan, un programme, un objectif d’étude. Mais il existe un éducateur directif libérateur, d’un côté, et un éducateur directif domesticateur, de l’autre côté. L’éducateur libérateur est différent du domesticateur parce qu’il avance, à chaque fois davantage, dans le sens de ce moment où s’établit une atmosphère de compagnonnage dans la classe. Cela ne signifie pas que le professeur est l’égal des élèves et qu’ils se place en situation d’égalité. Non. Le professeur commence à une place différente et il termine à une place différente. Il donne des notes et fournit un travail qui doit être fait. Les élèves ne notent pas les professeurs et ils ne leur donnent pas des devoirs à la maison ! Le professeur doit également avoir une compétence critique, qui est différente de celle des élèves et les élèves doivent insister pour que les enseignants l’aient. Mais là est la question. Dans la salle de classe émancipatrice, ces différences ne sont pas antagoniques, comme dans les salles de classes autoritaires. La différence libératrice est une tension que le professeur tente de dépasser par une attitude démocratique en relation avec sa directivité.

La nature directive d’un cours libérateur n’est pas une propriété de l’éducateur, mais elle est inhérente à l’éducation, tandis que l’éducateur dominateur garde en main les objectifs de l’éducation, le contenu de l’éducation et le propre pouvoir directif de l’éducation. Toutes ces choses sont monopolisées par l’éducateur dominateur sans tenir compte des choix des apprenants sur leur éducation. Les éducateurs libérateurs ne maintiennent pas le contrôle des apprenants dans leurs mains. J’essaie toujours d’entrer en relation avec mes élèves comme s’ils étaient des sujets connaissant, des personnes qui sont avec moi, engagées dans le processus de connaître quelque chose. L’éducateur libérateur est avec les élèves, au lieu de faire des choses pour les élèves. Dans cet acte acte conjoint de connaissance, nous avons de la rationalité et nous avons de la passion. C’est cela que je suis – un éducateur passionné -, parce que je ne comprends pas comment on peut vivre sans passion.
En tant que professeur, nous avons quelque chose à offrir, et nous devons avoir beaucoup de clarté quant à ce que nous offrons, quant à notre compétence et à notre directivité. Mais notre offre n’est pas une offre paternaliste. Ce n’est pas un cadeau divin de la part du professeur. Dans la perspective libératrice, nous n’avons rien à donner réellement. Nous donnons seulement des choses aux élèves quand nous échangeons avec eux. C’est une relation dialectique, au lieu d’être une relation manipulatrice. Vous comprenez ?
[…]
Dans une perspective libératrice, le professeur a le droit mais également le devoir de contester le statu quo en particulier ce que l’on dit au sujet des questions de domination de sexe, de race et de classe. Ce que l’éducateur dialogique n’a pas le droit, c’est d’imposer aux autres sa position. Mais le professeur libérateur ne peut pas se taire au sujet des questions sociales, il ne peut pas se laver les mains de ces problèmes.
[…]
Il est clair qu’en répondant aux étudiants, nous pensons être en train d’effectuer une contribution au moins minime à la possibilité qu’ils changent leur manière de comprendre la réalité. Mais nous devons savoir, pour le moins nous devons clarifier ce point, que nous ne sommes pas en train de tomber dans une position idéaliste, selon laquelle la conscience se modifie par elle même, à travers un jeu intellectuel dans un séminaire. Nous changeons notre compréhension de notre conscience à mesure que nous sommes éclairés au sujet des conflits réels de l’histoire. L’éducation libératrice peut faire cela, changer notre compréhension de la réalité. Mais cela n’est pas la même chose que transformer la réalité en elle-même. Non. Seule l’action politique dans la société peut permettre la transformation sociale et non l’étude critique dans la salle de classe. Les structures de la société – ainsi que le mode de production capitaliste – doivent être changés, pour que l’on puisse transformer la réalité.
[…]
La question du conflit social est absolument importante ici. En dernière analyse, le conflit est l’accoucheuse de la conscience.
[…]
L’Establishment nous contraint à être beaucoup plus craintifs que ce qui est nécessaire pour survivre. La force de l’Establishment est de nous tenir en laisse dans les limites de notre peur. Cela laisse un certain espace politique ouvert que nous devons occuper. Pour élargir cet espace que nous avons pour contester la domination, nous devons d’abord occuper l’espace qui existe. Le gouvernement ne désire pas que nous occupions cet espace parce qu’il veut éviter que nous l’amplifions. Ainsi, nous pouvons décider de n’avancer que d’à peine un ou deux mètres vers l’avant, quand en fait nous avions encore un kilomètre de latitude devant nous.

(Traduction du portugais : Irène Pereira – 19/07/16)

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