Menu Fermer

Exercice anti-terroriste: un zoo humain au lycée professionnel

laval-simulation-d-attaque-terroriste-au-lycee-gaston-lesnard-2.jpg

Opération anti-terroriste à grand spectacle dans un lycée professionnel : tout un symbole, certes mais symbolique de quoi au juste ?

Surréaliste…

La scène se déroule à Laval (Mayenne) par une froide matinée de décembre (Ouest France, 08/12/2016). Tout autour du lycée professionnel Gaston Lesnard, un vaste périmètre est interdit à la circulation, bloqué par plusieurs dizaines de véhicules de police et de pompiers, pour la désormais traditionnelle simulation d’attaque anti-terroriste, un show à grand spectacle, rentré dans les rites scolaires au point de détrôner les fêtes de fin d’année : un spectacle, assurément, c’est même sans doute sans seule fonction. Car si personne n’imagine un seul instant qu’une semblable pantalonnade puisse dissuader des terroristes d’agir, il est clair par contre que la systématisation de ce genre d’exercices vise, en entretenant un climat de peur, à légitimer toujours plus une dérive sécuritaire dont on ne voit pas la fin. Avec, en arrière-plan, un état d’urgence devenu permanent, ces exercices en milieu scolaire apparaissent alors pour ce qu’ils sont vraiment : le message véhiculé par ces mises en scène aussi ridicules que brutales – car c’est bien d’une mise en scène qu’il s’agit – c’est celui de la soumission des élèves et de la société civile à n’importe quelle injonction policière, même la moins fondée. Obéir d’abord, ne jamais chercher à comprendre, intérioriser l’humiliation, l’abaissement comme quelque chose qui va de soi et contre laquelle il est interdit de se révolter.

laval-simulation-d-attaque-terroriste-au-lycee-gaston-lesnard-2.jpg

C’est bien le sens de cette photo obscène captée par un journaliste embedded de la presse locale qui ne se trouvait évidemment pas là par hasard – il fait partie de l’opération – montrant des lycéens défilant mains derrière la tête comme des délinquants. Plus qu’un symbole : alors que cette opération policière n’a rigoureusement rien à voir avec le terrorisme ou la protection des populations, l’humiliation mise en images de tout un groupe de jeunes sous l’œil qu’on devine rigolard des policiers est montrée ici comme le signe d’un ordre policier et politique devenu la norme. Une version 21e siècle du zoo humain en quelque sorte. Quelque chose qui n’est finalement pas très différent du quotidien vécu par nombre de jeunes dans beaucoup de quartiers.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’établissement choisi pour cette exhibition est un lycée professionnel, un lycée du bâtiment, là où atterrissent des élèves qui traînent derrière eux une longue galère scolaire et dont l’avenir n’a rien d’un soleil radieux. A Laval et partout ailleurs, il ne serait sans doute jamais venu à l’esprit des autorités d’organiser un exercice de ce type dans un lycée de centre ville : les parents ne l’auraient pas accepté. Mais en lycée pro, pensez donc… Que l’école en France fonctionne sur un principe de discrimination n’est manifestement pas un problème.

Reste une dernière question : les exercices anti-intrusion dans les établissements scolaires ne viennent pas de nulle part. Ils trouvent leur source dans la collaboration organisée au plus haut niveau entre le ministère de l’EN et celui de l’Intérieur, relayée jusqu’au terrain par une hiérarchie empressée. Mais au niveau du terrain précisément ? Alors que les dérapages se sont multipliés, que penser de ces enseignants, de ces organisations syndicales qui, par leur silence, cautionnent de telles pratiques ? Même pas honte ?

Voir aussi :

https://blogs.mediapart.fr/b-girard/blog/240816/rentree-scolaire-la-lutte-contre-le-terrorisme-est-dabord-un-projet-politiq

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *