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Enfin un Centre d’Entrainement au Bachotage !

En Belgique, les élèves terminent leurs études primaires (6-12 ans) par un examen externe concocté par le Ministère de l’Éducation : le Certificat d’Études de Base (le CEB).

Se crée-t-il donc en Belgique un nouveau CEB ? Un Centre d’Entrainement au Bachotage ? Lancé d’abord par la maison d’éditions De Boeck (avec exercices et tout le toutime), l’idée est reprise par le journal Le Soir (Vers l’Avenir l’avait devancé sur ce plan en 2013 !) qui, depuis ce lundi 12 mai, publie quotidiennement jusqu’au vendredi 16, quatre pages intitulées « Objectif CEB » avec des exercices adéquats pour se préparer au CEB en math, en sciences, en français, en histoire et en géographie.
En bonus, on a les corrigés des exercices (au cas où les parents n’arriveraient pas à répondre à certaines questions).
Car ce sont les parents – enfin, ceux qui lisent le journal… – qui vont se jeter sur cette manne pour préparer leurs rejetons à l’obtention du parchemin tant convoité.
Et ce sont les enfants concernés – enfin ceux qui ont des parents qui lisent le journal… – qui vont être contraints durant le mois de mai et au-delà, à se mesurer à cette épreuve au lieu de profiter pleinement du soleil qui arrive et de la nature en fête.
De telles pratiques mènent à un bachotage qui va « à l’encontre de la construction d’une compétence, qui suppose une adaptation à des situations variées, dont la configuration ne dicte pas immédiatement les opérations à effectuer. » (*)
Car de quoi s’agit-il en fait ? Tout simplement de « réussir » le CEB. Et pour réussir le CEB, c’est bien connu, il suffit de réussir les épreuves proposées les années précédentes ou, comme c’est le cas dans Le Soir de cette année, de réussir des exercices semblables, apparemment concoctés par quelques enseignants du primaire, en suivant les critères qui président à leur élaboration habituelle et en respectant leur forme et leur style…
Le but des études primaires, l’objectif ultime pour un élève, est-il de réussir les épreuves du Certificat d’Études de Base ou est-il d’apprendre à lire, écrire, mathématiser et grâce à ces outils, de s’ouvrir au monde, de tenter de mieux le comprendre et d’y chercher sa voie ? Le CEB, tel qu’il est conçu, ne correspond pas à ce dernier objectif. C’est surtout un outil de contrôle global qui délivre un sésame aux élèves du primaire pour entrer dans le secondaire.
De plus, il déresponsabilise les enseignants (surtout ceux des deux dernières années) face à cette échéance. Les enseignants sont des professionnels, ils sont capables de se rendre compte si leurs élèves sont mûrs ou pas pour le secondaire (surtout s’ils les ont accompagnés lors de leurs deux dernières années). Même sans examen, en fin de sixième, ils sont en mesure de reconnaitre ceux qu’ils peuvent confier à leurs collègues du secondaire.
La seule consolation qu’ils ont, à ce stade, c’est qu’ils peuvent redonner une chance à des élèves ayant « raté »le CEB pour des raisons fortuites ou… fondamentales (si j’ose dire), mais qui à leurs yeux se sont révélés compétents dans leur classe.
Maigre consolation… !
Comment et par quoi remplacer cette grande épreuve imposée à nos élèves ?
Les idées ne manquent pourtant pas. Cela fait longtemps, entre autres, que des écoles dites « nouvelles » organisent le chef-d’œuvre en fin de sixième année.
Au cours d’une séance semi-publique à laquelle d’autres élèves, parents et enseignants sont invités, les élèves de sixième présentent en mai et juin, à la manière des Compagnons, un chef-d’œuvre, c’est-à-dire un travail qu’ils ont préparé durant leur dernière année scolaire à propos d’un sujet qu’ils ont choisi et qui brasse obligatoirement toutes les facettes des différentes matières scolaires (la langue maternelle, la langue seconde, les mathématiques, les sciences, etc.). Cette présentation tend à montrer qu’ils dominent non seulement des connaissances, mais qu’ils commencent à être capables de les organiser, de les hiérarchiser, de les structurer, de les rendre dynamiques dans un projet d’appropriation d’un thème. Cette façon de faire pourrait ouvrir la porte d’entrée de l’enseignement secondaire.
Ce projet, testé pourtant dans de nombreuses classes, dans des collectifs d’alphabétisation depuis plusieurs années, etc. ne trouvera jamais grâce aux yeux de ceux qui se gargarisent à tout propos des aspects scientifiques de l’éducation. Il ne correspond pas à l’évaluation telle qu’elle est conçue aux différents niveaux de décision (local, national, européen et probablement – pourquoi pas – bientôt mondial) puisqu’il prend en compte les composantes individuelles et affectives de l’acte d’enseigner et d’apprendre, aspects ignorés des grandes machines mises en route comme PISA et autres évaluations externes. Il redonnerait pourtant dans cette perspective la juste place à l’enfant dans la part effective qu’il doit prendre à son instruction et à son éducation. À nos démarches éducatives, il insufflerait l’humanité nécessaire qui devrait toujours les accompagner.

Henry Landroit, instituteur, directeur d’école, formateur en pédagogie Freinet


(*) Philippe Perrenoud, Les Cycles d’apprentissage : Une autre organisation du travail pour combattre l’échec scolaire, PUQ, 2002

Ce texte est écrit en orthographe modernisée (www.orthographe-recommandee.info)

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