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Education populaire et alternative libertaire

À l’occasion de la sortie du numéro spécial d’Alternative libertaire (voir présentation sur Q2C) nous avons demandé à Adeline (AL Paris Nord-Est et Collectif Q2C), l’une des coordinatrices du dossier « Education populaire » de répondre à quelques unes de nos questions…

Questions de classe(s) – Peux-tu nous dire comment cette idée de dossier « Éducation populaire » a été lancée, pourquoi ce choix et quels étaient les objectifs de cette réflexion ?

Adeline – En tant que militantes et militants libertaires, nous mettons les questions éducatives au cœur de notre conception du progrès social. Or, en matière d’éducation, il existe toujours une tension entre le fait de souhaiter accompagner l’émancipation et la politisation du plus grand nombre, et la conviction profonde que paternalisme et avant-gardisme vont à l’encontre de ces deux objectifs. C’est pourquoi nous avons voulu nous inspirer et creuser au sein d’Alternative Libertaire la question de l’éducation populaire. Ce dossier spécial constitue un premier pas vers un débat et une mise en pratique de l’éducation populaire dans la diffusion des idées et les pratiques militantes.

L’objet de ce dossier était de définir ce qu’est une éducation populaire libertaire, de la resituer dans un contexte historique et actuel, et de donner à voir un certain nombre de pratiques qui relèvent de l’éducation populaire, ceci dans des espaces très divers tels que le syndicalisme, le féminisme, la culture, la pédagogie, ou encore l’auto-organisation des quartiers populaires.

Q2C – Peux-tu nous présenter les coordonnatrices et coordonnateur de ce dossier, leur lien avec le thème et leurs engagements respectifs  ?

Adeline – J’ai coordonné ce dossier avec deux camarades, Auréline, de Toulouse, et Tudy, de Chambéry.
Auréline a animé et dirigé pendant plusieurs années des séjours de vacances. Aujourd’hui, elle fait vivre des pratiques d’éducation populaire d’une part au sein d’Alternative Libertaire, où, engagée dans la commission journal, elle porte une attention constante à refuser l’entre-soi, et d’autre part dans son travail à la fac, dans son rapport avec ses étudiantes et étudiants.
Tudy, de Chambéry, est animateur de profession, et a eu moult occasions de travailler en lien avec la SCOP d’éducation populaire L’orage de Grenoble. Aujourd’hui, il fait partie des fondateurs de l’association Les 400 coups, dont l’objet est de proposer des colos qui favorisent au maximum l’autogestion, l’autonomie et l’entraide entre les enfants (voir sur www.les400coups-colo.fr).

Quant à moi, je travaillais jusqu’à maintenant dans le secteur institutionnel de l’éducation populaire, en tant que formatrice pour des professionnels des champs de l’animation et de l’éducation spécialisée. Mon champ d’intervention porte sur l’éducation populaire et les pratiques démocratiques. Parallèlement, j’anime le blog www.education-populaire.fr, sur lequel je relaie des articles de fond et des actualités ayant un lien avec une éducation populaire radicale et libertaire. Enfin, à la rentrée, je vais me lancer dans une nouvelle aventure inspirée des méthodes du community organizing (dont il est question dans le dossier), afin de tester sur le terrain l’intérêt de ces méthodes pour encourager l’auto-organisation des quartiers populaires en faveur de l’amélioration des conditions de vie et de la transformation de la société.

Q2C – Comment définissez-vous l’éducation populaire ? Quelle serait, selon vous, son actualité aujourd’hui ?

Adeline – Nous définissons l’éducation populaire radicale et libertaire comme un processus individuel et collectif vers l’émancipation et la transformation de la société. L’éducation populaire telle que nous l’entendons consiste à décrypter les rapports de domination, à prendre conscience de la place que l’on occupe dans la société, à apprendre à se constituer collectivement en contre-pouvoir, à expérimenter sa capacité à agir.

Dans le contexte actuel, le sentiment de dépossession est extrême. Les conséquences de ce sentiment peuvent se retrouver, dans les classes populaires, dans la montée des racismes, du complotisme ou encore de l’apathie politique consumériste et autocentrée. Ces comportements sont des symptômes d’une profonde dépossession des enjeux sociaux et politiques. En tant que libertaires, il importe de nous intéresser à la racine de ce constat, et d’agir pour que, toutes et tous, nous puissions reprendre la main sur nos vies et sur la société. Et c’est précisément cela, l’éducation populaire.

Q2C – Que retiens-tu plus particulièrement de ce dossier, qu’en as-tu appris, en quoi peut-il éclairer nos pratiques et nos revendications ?

Adeline – Ce dossier donne à voir la diversité des pratiques. En matière d’éducation, bien malin celui ou celle qui détient la recette magique. Et malgré tout, il nous faut avancer, tâtonner, expérimenter, prendre des risques.
Certaines pratiques dites d’éducation populaire posent question : ainsi, le community organizing est une méthode redoutable de développement d’un pouvoir populaire. Mais il n’est pas impossible que son efficacité puisse se retourner contre son objectif, par exemple si les organisateurs prennent des postures paternalistes vis-à-vis des quartiers dans lesquels ils travaillent, ou encore si le processus encourage la montée en puissance de leaders locaux autoritaires et manipulateurs. Cependant, étant donnée la situation sociale, cela ne vaut-il pas le coup d’essayer ?

Ce dossier donne un cadre général, à la fois théorique et historique, à l’ambition d’une éducation populaire radicale et libertaire. Il donne également à voir la diversité des pratiques. À travers tout cela, il a pour but d’inviter chacune et chacun, militants ou non, à s’interroger quant aux objectifs qu’il poursuit au travers de ses pratiques, et quant aux moyens qu’il met en œuvre pour atteindre ces objectifs. C’est ainsi que ce dossier veut apporter aux pratiques et aux revendications.

Q2C – Avez-vous envisagé un prolongement, une suite à ce travail (pourquoi pas des contributions régulières sur notre site pour relayer l’actualité de ce combat… C’est un appel en tous cas que nous lançons !)

Adeline – Nos engagements respectifs nous empêchent de répondre présents sur un certain nombre de terrains qui pourtant nous tiennent à cœur… À titre personnel, à travers le blog www.education-populaire.fr, j’essaie humblement de faire connaître et d’encourager la mise en lien de pratiques visant une éducation populaire radicale. J’ai par ailleurs rejoint cette année le collectif Questions de classe(s), et participé notamment à l’organisation du stage PASE de mars 2015 (ce qui a été l’occasion d’intégrer dans le programme un atelier portant sur l’éducation populaire). Cependant, je n’ai pas pu continuer de m’investir régulièrement : la mise en lien au sein du secteur de l’éducation populaire me semble encore plus urgente, et m’occupe déjà beaucoup. Mais votre appel est noté et il sera relayé. Nous ferons de notre mieux pour que contribuer d’une manière régulière au sein de Q2C !

Propos recueillis par Grégory Chambat pour Questions de classe(s)

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