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Depuis ce matin je travaille dans une ville FN…

C’est très tard dans la soirée, après un recompte des voix, que la commune de Mantes-la-Ville dans les Yvelines est devenue la première d’île-de-France à passer sous le contrôle de l’extrême-droite. Mais ce n’est que ce matin, en consultant les résultats avant de partir au boulot que je l’ai appris. C’est dans cette ville que je travaille, comme professeur de collège principalement avec des élèves non-francophones, depuis 15 ans.

C’est là aussi que j’ai mené différentes luttes, quatre mouvements de grève reconductible de plusieurs semaines et des combats pour la régularisation ou le relogement de mes élèves.

Ce résultat inattendu est la conséquence immédiate du maintien de deux listes de gauche rivales et d’une autre sans étiquette, alors que le candidat du FN était arrivé en tête au premier tour dans ce bastion de la “gauche” depuis la Libération. Là n’est pas sans doute la seule explication. Les 20 et quelques pourcents du 1er tour sont peut-être même en-dessous des scores atteints dans d’autres régions. Mais voilà, pendant les 6 années qui viennent je vais travailler dans une ville aux mains de l’extrême-droite.

Ce matin, au collège, il y a ceux qui savent et ceux qui vont l’apprendre… Les visages sont tendus et les mâchoires serrées. Les réactions expriment la surprise la plus totale. Il y a peut-être pourtant quelques sourires entendus, quelques propos chuchotés… ou alors serait-ce de la paranoïa, premier signe tangible que le « climat » va changer ?

On en parle bien sûr. On parlera aussi, tout au long de la journée, du temps qu’il fait, qu’il fera, des copies et des élèves… En reparlera-t-on demain, une fois la nouvelle digérée ? Et la semaine prochaine ? La banalisation des idées d’extrême-droite, celle qui la conduit vers le pouvoir, n’est-ce pas aussi celle qui nous force à nous en accommoder et nous oblige à faire « avec »  ? D’avoir aussi sa vie à vivre malgré tout – et comment penser qu’il n’en sera pas autrement ?

Au lendemain du 21 avril 2002, on avait évoqué l’idée de se mettre en grève, on avait défilé, par millions, dans les rues. Aujourd’hui, personne ne l’a proposé. Il semblait même difficile de poser la question : que faire ? Faut-il, dans un premier temps, seulement commenter, comprendre, expliquer, analyser… non pas accepter mais digérer. Mais le temps viendra-t-il pour autre chose ? Il y eut, aujourd’hui, des discussions, des échanges, des questions, des peurs exprimées… l’impossible projection dans l’inconnu qu’il faut aussi mettre en mots.

J’ai tendu des perches à mes élèves, ma classe de non-francophone se noyait dans les sigles, mélangeant les personnalités et les sensibilités. À l’occasion d’un dossier du journal du collège (financé en partie par la mairie), nous avions abordé il y a quelques jours la question du racisme au collège. Tous avaient affirmé qu’il n’y en avait pas… Un peu plus tard dans la matinée, avec des 4e, j’ai parlé poésie.

À Mantes-la-Ville, nous avons deux collèges, un lycée professionnel et des dizaines d’école (celles-ci sont gérées par la mairie et seront régulièrement en contact avec les nouveaux élus). Quel sera leur avenir et leur quotidien ? Pourquoi, et comment, notre travail éducatif local n’a pu empêcher cela ? Combien des électeurs du FN ont passé par nos classes ? Quelle part de responsabilité portons-nous aussi dans ce qui se passe ? Ici, comme partout, s’enseignent la montée des fascismes dans les années 30, les boucheries nationalistes, les textes des résistants… Mais rien, effectivement, sur les mécanismes du chômage, sur la conscience sociale et la lutte des classes, sur les combats d’hier et d’aujourd’hui pour la dignité et l’égalité, sur la nécessité, pour tout un chacun, de comprendre le monde pour le changer et de le changer pour le comprendre… Au lieu de cela, les discours les plus réactionnaires sur l’école, sur les méthodes pédagogiques – ceux qui sont repris avec délice par le FN – se développent, pénètrent dans les esprits des familles et de certains collègues aussi. Ce n’est pas anodin.

Le nouveau maire FN de Mantes-la-Ville, Cyril Nauth est enseignant, professeur dans un lycée professionnel d’une commune voisine…
Est-ce seulement un hasard ?

Tout au long de la rédaction de ce petit article, je me suis demandé à quoi bon tout cela. À quoi bon écrire, pourquoi penser que l’éducation a un rôle à jouer, quelles sont les racines qu’il nous faudra extirper pour en finir avec ce cauchemar…

Mais je voudrais, malgré tout, exprimer le souhait que ce billet se prolonge, que bientôt je puisse partager nos futurs actes de résistance, mais aussi avancer dans le décryptage de cette vague réactionnaire qui n’épargne pas l’éducation et nos écoles et lancer, dans cet espoir, un blog pour y poursuivre ce travail.

En attendant, demain matin, je vais repartir travailler dans une ville FN.

Grégory Chambat, militant CNT éducation, enseignant en collège à Mantes-la-Ville (78)

Le blog “L’école des réac-publicains” encore en chantier s’est ouvert ici

16 Comments

  1. Solène

    Depuis ce matin je travaille dans une ville FN…
    On partage votre chagrin, à toi, à tes élèves et à tous ceux qui partiront demain matin travailler dans une ville FN.
    On est là. Et tout ce qu’on peut faire c’est de penser plus fort. Montrer que la haine et la raison n’ont rien à faire ensemble. Tous ce qu’on peut faire c’est d’être solidaires.
    D’autant plus que demain, on ira bosser sous Valls.
    Et ça aussi, c’est bien difficile à penser.
    courage

  2. zakhartchouk

    Depuis ce matin je travaille dans une ville FN…
    C’est aussi la honte, quand même, de candidats de gauche qui font passer leur égo avant le barrage au FN. AUtant je peux comprendre qu’il est difficile dans certaines villes de voter pour un candidat de droite très proche du FN, autant là, le fait que deux listes de gauche n’arrivent pas à s’entendre un minimum et de se retrouver avec un maire FN d’après ce que je sais inconnu et sans doute incompétent, qui a un tiers des voix est scandaleux. Le PC allemand en 1932 se réjouissait du recul des sociaux-démocrates et de leur bon score aux élections, un an plus tard…
    il faut continuer à diaboliser le front national (ou plutôt continuer à montrer son côté “diabolique” pardon pour la métaphore!) comme l’ont fait les gens à Forbach, y compris un courageux maire UMP de la ville voisine, pour barrer la route au propret Filippot, particulièrement dangereux. Sans mettre à égalité l’extrême-droite et ceux qui restent des républicains (qu’on aime ou pas , qu’on apprécie ou pas Valls ou autres, c’est un autre problème). Ceci dit, j’espère dans ma vie n’avoir jamais à choisir entre Sarkozy et Le pen (alors que voter Chirac m’a certes dérangé, mais était acceptable)

  3. zamoussi

    Depuis ce matin je travaille dans une ville FN…
    Salut Greg,

    Je lis ton texte et m’imagine à ta place – sachant le travail que tu fais et ton questionnement sur l’éducation comme moteur de transformation sociale-
    D’ici, de Marseille, où l’UMP est serré par le FN, c’est pas rose (sans jeux de mots) non plus…
    Le président du festival off d’Avignon, avait déclaré qu’il resterait à Avignon même sous mairie FN et ferait venir des compagnies d’Outre-mer, raviverait l’idée que la culture est, doit rester une force de résistance.
    Mantes-la jolie se relèvera de ce cauchemar grâce à des gens comme toi qui, au lieu d’avoir peur de l’Autre et de réclamer plus de policiers, savent vivre dans la confiance et lui donner les outils de son émancipation, grâce à des gens comme toi qui, au lieu de s’en prendre aux gens violentés eux mêmes par la précarité et la détresse sociale, luttent pour refuser les logiques morbides du capitalisme et les lois de la jungle qui vont avec. Haut le coeur Greg, plus que jamais, ton action, notre action est nécessaire ! Sophie

  4. Raphaël

    Depuis ce matin je travaille dans une ville FN…
    Pour vous répondre, vous permettez, en l’écrivant, de donner vie à une voix qu’il est important de faire entendre. Ne pas laisser le monopole de la parole à ceux qui tenteront – sans aucun doute – de la censurer est la première des choses à faire, et c’est primordial.
    Pour une ville qui encore aujourd’hui est majoritairement à gauche, la déconvenue est totale, la claque violente.
    Vous l’avez bien exprimé, la banalisation est proche, dangereuse et bien effective… Certains commentaires de cet article en sont l’illustration la plus flagrante.
    Il ne faudra pas oublier durant ces 6 années, que la haine l’a emporté…
    Merci de donner vie à la résistance qui, aussi dure soit-elle, doit devenir une priorité.
    Soyez sur que j’y prendrai part.

  5. pablo

    Depuis ce matin je travaille dans une ville FN…
    Je constate aussi la “droitfascistisation” des salles des profs, mais… les système public français n’est-il déjà trop autoritaire et disciplinaire ? Et les gouvernements, ne sont-ils tous en Europe élus sans la participation massive des citoyens ? Car entre choisir à Valls, LePen et Sarko… excusez-moi, mais je préfère ne pas choisir et retravailler la rue !

  6. Alberto

    Depuis ce matin je travaille dans une ville FN…
    Salut Greg, continuer à lutter, que faire d’autre ? On est pas encore dans l’Allemagne des années 20/30, ça reste possible. Courage.

    Quant à Valls, c’est pas lui qui disait y’a pas si longtemps que les Rroms ne s’intègrent pas et qu’ils ont vocation à rentrer “chez eux” ? Si c’est pas labourer le terrain pour le FN ça ?
    J’en suis encore tout dégouté, tiens, beurk !

  7. K.M

    Depuis ce matin je travaille dans une ville FN…
    Courage !
    La banalisation est rampante en salle des professeurs de nombreux établissements ( et depuis bien longtemps!) : elle s’exprime par le verbal en désignant les mauvais résultats ou les attitudes inciviles de certaines “catégories” d’élèves.
    Alors que les projets devraient être éducatifs, culturels et savants à la fois , ils ne sont souvent qu’une juxtaposition de savoirs disciplinaires !
    Elle s’exprime par le non verbal ( un rictus, une mimique ) à l’évocation du nom de certains élèves ou à l’évocation du courage qu’il a fallu pour émigrer vers telle et telle école de la région parisienne ( je pense aux provinciaux pressés de revenir grâce aux points accumulés)
    L’école des missions a disparu depuis longtemps mais rassurez-vous pas partout ! la preuve votre réaction ! La question du sens a disparu mais pas partout rassurez-vous et nous devons continuer à nous questionner et à proposer sans découragement sinon la banalisation aura gagné et cela il ne le faut pas !
    Courage !
    La banalisation, c’est aussi le silence dérangeant de ceux qui se résignent devant l’impuissance !

  8. Christophe

    Depuis ce matin je travaille dans une ville FN…
    Bonjour Greg,
    J’ai reçu une grande claque en apprenant cette triste nouvelle pour Mantes-la-Ville. J’ai travaillé aux Plaisances pendant huit ans, y ai connu certaines des luttes dont tu parles – dont une qui avait duré plusieurs mois dans une dynamique extraordinaire… Aujourd’hui, le FN passe et j’ai l’impression d’où je suis maintenant d’une extrême banalisation de cette élection historique. Jusqu’à entendre l’un de mes anciens élèves à la télé dire qu’il est prêt à accepter toutes les mains tendues, y compris celles du FN… Alors oui, la banalisation de l’extrême droite est une réalité, alors oui, l’Ecole rate quelque chose en ne permettant pas aux élèves d’hier et d’aujourd’hui de percevoir les mécanismes de l’extrême droite et le danger qu’elle représente.
    Bon courage pour ces six années…
    Christophe B.

  9. Marie Jeanne Verny

    Depuis ce matin je travaille dans une ville FN…
    Beaucoup aimé ce texte, très révélateur d’un climat, et d’un désarroi qui nous touche tous, mais…
    moi, ce qui m’interroge aussi, c’est le fait que la plupart des groupes anarchistes appellent régulièrement à l’abstention…
    Je sais bien que le vote n’est pas une réponse à la misère et qu’il ne peut se substituer aux luttes. Et je veux bien imaginer qu’il y a une abstention “de lutte” et une abstention d’indifférence…
    Mais
    1- au bout du compte, le résultat est le même
    2- qui a suffisamment de conscience politique pour comprendre cette différence ?
    3- le vote est une conquête populaire. Et ceux qui auraient le besoin, qui ont le droit, de s’en servir, sont ceux qui s’en servent le moins, alors que leurs pères (ou d’autres pères, et je ne parle pas des femmes, qui ne votent que depuis 45) se sont battus pour cela… Du coup, l’appel à l’abstention me semble un réflexe de riches. Et ce n’est pas lui qui va nourrir l’engagement politique…
    4- avant la Révolution, il y a l’étape de la citoyenneté…

  10. Le Bert

    Depuis ce matin je travaille dans une ville FN…
    “Les discours les plus réactionnaires sur l’école, sur les méthodes pédagogiques – ceux qui sont repris avec délice par le FN – se développent, pénètrent dans les esprits des familles et de certains collègues aussi.”
    Je relève ces propos du billet de Grégory.
    A la suite d’un différend avec des collègues de BTS (je suis prof de français – Expression et culture générale), j’ai voulu exprimer le même constat dans un courrier (non publié par “Questions de classe”) : la lepénisation des esprits est en marche dans les établissements. Il suffit de s’approcher de la machine à café pour entendre des voix qui réclament que l’on mette fin à « la culture de l’excuse et de la permissivité », que l’on restaure la sacro-sainte autorité de l’enseignant, que l’on chasse les « barbares » des classes et qu’on revienne à une école du mérite et de l’effort. Le discours anti 68 est omniprésent dans les lycées et collèges.
    Comment s’étonner que lundi matin, les résultats de la veille n’occupaient pas les conversations dans les couloirs et la salle des profs. Aucune indignation… Et si, au fond, le programme du FN sur l’éducation (voir les propositions du “collectif Racine”) exprimaient aujourd’hui les vœux d’une majorité d’enseignants plus enclins à tenir le discours de la sélection qu’à défendre celui de la refondation de l’école ? …
    Pascal

  11. Aude

    Depuis ce matin je travaille dans une ville FN…
    Bonjour,
    merci pour votre article.
    Même si le titre ne me plait pas: y a t il de la honte, du dégoût?
    Il me semble que vous êtes enseignant dans le collège d’un quartier où les gens ont voté à majorité FN ( le Domaine de la Vallée).
    Imaginez un peu dans l’autre collège de la ville.

    Vous y travaillez, c’est bien.
    Personnellement, je viens de Mantes la Ville ( à ne pas confondre avec Mantes la Jolie comme je l’ai vu dans un commentaire et dans les médias!!) , j’y habite, j’ai 3 enfants scolarisés en primaire et maternelle, je travaille à Limay, très ancrée à gauche, et au VF. Je suis investie dans le jumelage de MlV afin de faire partir les collégiens des 3 communes en Allemagne chaque année. Mes liens avec Mantes la Ville expliquent pourquoi je suis gênée par le titre de votre article….

    Maintenant, il va falloir se poser les bonnes questions: le maire socialiste allemand accepte de continuer son partenariat avec une mairie FHaine…… Pour moi, il est hors de question de ne plus faire partir les élèves mais il est hors de question de servir de faire valoir au FHaine, de demander quelque subvention que ce soit…..

    Il va falloir s’organiser, les CCAS, crèches, logements sociaux, associations, le péri scolaire, les cantines, les centres aérés, et j’en oublie, seront les premiers touchés….

    Le discours facho se banalise en salle des profs, dans la rue, chez les voisins…. Rien que la phrase ” si ça se trouve ils vont faire des choses bien, parce que j’en ai marre des gens qui se garent en double file à la boulangeire” fait froid dans le dos….

    En HdA je travaille sur Matin Brun, La Vague, la Mouette avec mes élèves, des années que je fais tout mon possible pour les sensibiliser aux extrèmes…..

    Mantes la Ville, je n’y travaille peut-être pas, mais j’y vis, j’y éduque mes enfants, j’y tiens. Nous résisterons, nous serons présents, nous informerons.

    Au plaisir de vous croiser pour réaliser tout cela!
    Aude

  12. une future prof de philo

    Depuis ce matin je travaille dans une ville FN…
    Bonjour,

    Il est encore difficile de croire que certaines villes se sont réveillées sous la bannière bleu marine du FN ….
    Je me dis qu’en tant que future enseignante ces prochaines années vont être difficiles. Que dire à mes Terminales ?
    Que la conscience philosophique n’est pas seulement une fiche de révision du Bac, qu’elle est aussi le siège de nos idées et de nos décisions donc de nos conséquences ?
    Ici, on se soulage d’un vote UMP, PS etc. Tout sauf FN. Mais dans la réalité des choses, c’est aussi faire un deuil et de voir une ville passer de l’autre côté du mur et de se voir mettre un drapeau d’intolérence et de racisme sur le fronton de sa mairie. Ce sont les heures noires “d’une république” qui perd toujours un peu plus de sa liberté !
    Que devons-nous enseigner à nos enfants et à nos jeunes adultes ? Qu’il y a ici et là des foyers qui ont préférés la peur et la haine au lieu de la solidarité et de la liberté.
    Avons-nous oublié qu’une ville ne se monte pas seule mais avec toutes les personnes qui la composent pour qu’elle puisse être forte. Croire en la force d’un seul homme pour faire changer les choses, c’est faire croire à des moutons que la sortie est du côté du flanc de la montagne !
    Malheureusement, dans ce cas c’est le loup qui a gagné et les moutons sont tombés dans ce piège.

    En espérant ne jamais revoir 2002, revenir dans les urnes, ni dans nos rues.

    ALERTA ALERTA ANTIFASCISTA !! NO PASARAN.

    Courage camarade.

  13. Mouhot Ruquet

    Depuis ce matin je travaille dans une ville FN…
    Bonsoir

    Je suis enseignante avec des non francophones en école élémentaire à Niort depuis 8 ans et je suis effarée par le nombre de villes qui sont passées au Front National!!! mais je me dis qu’effectivement chez les enseignants il commence à y avoir des gens qui pensent comme Marine Lepen et ça m’effraie beaucoup car ils donnent et partagent ces idées avec leurs élèves!!!je trouve ça inadmissible!!!ils n’ont rien à faire dans l’enseignement il faut continuer à se battre contre la bêtise et l’obscurantisme!!!

    Courage à toi!!!

    Patricia

  14. Olivier

    Depuis ce matin je travaille dans une ville FN…
    Salut

    Allez encore un commentaire.
    Lorsque tu écris :
    “Ici, comme partout, s’enseignent la montée des fascismes dans les années 30, les boucheries nationalistes, les textes des résistants… Mais rien, effectivement, sur les mécanismes du chômage, sur la conscience sociale et la lutte des classes, sur les combats d’hier et d’aujourd’hui pour la dignité et l’égalité, sur la nécessité, pour tout un chacun, de comprendre le monde pour le changer et de le changer pour le comprendre… ”
    Je crois qu’il est là le problème.

    Cette année, je travaille dans une ville ouvrière du Tarn (Mazamet) où toutes les usines ont fermé à la fin des années 1980. Le sud du Tarn n’a rien à envier au nord de la France. A Graulhet et Carmaux, deux autres villes industrielles sinistrées, le FN grimpe à 30%, 20%…
    J’y ai travaillé aussi (privilège du remplaçant).
    J’entends les élèves, je les écoute… et ce que je trouve atterrant c’est l’absence d’identité de classe, l’adhésion (familiale, parce qu’ils reprennent le discours familial) au discours le plus réactionnaire (“si tu es pauvre c’est de ta faute”) par ceux-là même qui sont oppressés par le système économique.
    Ce qui a disparu c’est la transmission de l’identité de classe. Avant ça se faisait dans les familles…

    Et l’école, que fait-elle aujourd’hui? La même chose qu’hier. Elle célèbre la république, la nation… comme si les horreurs du passé n’étaient que des parenthèses. Comme si le racisme des nazis sortait d’un chapeau de magicien (les programmes oublient de parler du racisme et du colonialisme), comme si la république avait toujours été généreuse avec le bon peuple (les programmes oublient la Commune, racontent que la république améliore le sort des ouvriers, ne parlent pas de rapport de classe, montrent la pauvreté comme une fatalité, préfèrent la charité et la pitié à la solidarité…). On est dans la compassion et pas dans la réflexion par rapport à toutes les victimes de la 2nde guerre mondiale.

    Quant aux collègues, la plupart d’entre eux sont toujours aussi réactionnaires ou corporatistes. Lorsqu’ils entendent le mot pédagogie, ils sortent leurs révolvers. C’est l’hallali contre le collège unique. Certains souhaitent un examen d’entrée au collège. Nombreux pestent contre “les élèves qui n’ont rien à faire là!” ou répètent inlassablement qu’ils sont là “pour enseigner le français et pas pour être éducateur”… Parmi ceux là beaucoup se disent “de gauche”.

    N’empêche, ces discours ne sont pas nouveaux, la solution n’est pas dans l’abdication. Plus que jamais, il nous faut défendre le projet d’une école émancipatrice.

    A contre-courant, la lutte continue !
    Olivier

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