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Chroniques bretonnes, épisode n°4

Notre instituteur découvre encore la maternelle, non sans embarras. Il nous conte une réunion banale de début d’année, où l’on prend les choses à l’envers… mais l’auteur se garde de dire ce qu’il a sur le cœur. Ces chroniques en langue bretonne ont été publiées sous le titre Yudal ! aux éditions Al Liamm en 2013. Des traductions paraissent chaque mois sur le site Questions de classes.

Il n’était pas encore neuf heures. Nina avait perdu son doudou. Herveline et Line, avaient perdu toute leur énergie. J’étais en train de perdre la raison. Clara avait déjà mille et une questions aux lèvres et les choses étaient prêtes à exploser. Au fond de la salle, Logan écrivait des lignes. Je n’étais pas bien fier mais je n’avais pas trouvé d’autres solutions pour l’empêcher de taper sur les autres.

Émilie venait d’arriver et sa mère lui avait dit d’aller jouer dans le fond de la classe. Elle lui avait dit que les grands voulaient parler entre eux ; apparemment je faisais partie des grands et je n’avais pas du tout envie de parler.

Je lui avais dit que le père d’Émilie viendrait la chercher en fin de journée.
Elle m’avait expliqué que « l’autre » chercherait à lui voler sa fillette.
Je lui avais dit qu’elle devrait régler ça avec le juge. Elle m’avait expliqué qu’il n’y avait personne pour lui dire comment élever sa fille.
Je lui avais dit d’aller voir la directrice (les questions fusaient de la bouche de Clara, les larmes n’étaient pas loin de couler des yeux d’Émilie), je lui avais dit qu’elle n’aimerait pas voir sa fille partir avec les gendarmes, non, elle n’aimerait pas… Logan avait écrit Logan partout sur la feuille que je lui avais donnée. Il réclamait une autre feuille.

Elle m’avait expliqué qu’il n’y avait « personne » pour lui dire comment faire avec sa fille et que je n’avais pas le droit de donner sa fille au père. Nous ne parlions pas le même français.

Elle était partie. Émilie pleurait sur les genoux de Line. L’affaire avait été réglée plus tard. Émilie serait cachée dans une salle au cas où le père et la mère viendraient s’entre-déchirer devant elle. On avait informé les gendarmes qu’ils devaient venir tout de suite à l’école en cas d’appel.

A midi, la mère était revenue chercher sa fille en cachette alors que celle-ci déjeunait. Nous n’avions rien vu. Avant que le juge ne décide de la confier à son père, nous ne revîmes pas Émilie à l’école pendant un mois. Nous n’avons jamais revu la mère.

Traduction : Gildas Kerleau & Tomaz Laken

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