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Ce que durent les promesses

Communiqué de presse du Groupe Jean-Pierre Vernant (Universitaires-enseignants-chercheurs)

Pour 513 millions de moins

La “crise” désignait autrefois un brusque accès morbide, un évènement bref et intense, une phase critique, un trouble limité dans le temps. La “crise” est aujourd’hui une méthode de gouvernement, qui accompagne la mutation d’une société d’enfermement vers une société de contrôle. Si notre vie professionnelle se révèle de plus en plus difficile, privée de moyens et sans perspectives, il faut avoir conscience qu’il ne s’agit ni du hasard ni d’une fatalité. A l’Université — comme ailleurs — elle passe par une atomisation méthodique de la communauté universitaire, mise en œuvre par l’action de ternes personnages, médiocres managers. La principale méthode de contrôle du néo-management s’appelle le “projet” : AAP, une machine à happer.

Il n’est dès lors pas étonnant que l’apathie générale, le repli sur une vie cellulaire — son amphi, son article à finir, son TD — ait conduit, le vendredi 12 décembre, à l’une des attaques les plus virulentes contre l’Université.

Il y eut bien sûr la réception donnée dans un décor d’opérette par le chef de l’Etat, mais il ne s’agit pas de cela. Devant le groupe Marc Bloch [1] rassemblé aux premières loges, M. Hollande y prononça sans sourciller ces mots : “le budget des universités, dans une période pourtant contrainte sur le plan des finances publiques, doit être sanctuarisé. C’est un engagement que j’ai pris et je veille à ce qu’il soit tenu.” [2] On sait ce qu’il en est. Même l’engagement pris la veille — l’aumône de 70 M€ — ne fut pas respecté [3]. Si 70 M€ sont revenus aux universités, c’est en prélevant 4 >M€ dans des programmes universitaires, 20 M€ à l’ANR et, comble du cynisme, 15 M€ à l’enseignement scolaire.

Les crédits de l’enseignement supérieur et de la recherche sont donc, au final, amputés [4] de (230+123+136+350/5-70+4+20) = 513 M€ soit plus d’un demi milliard ! Un avant-goût du milliard et demi d’économie prévu pour la période 2015-2017 [5]. Rassurez-vous : le contrat Elsevier [1] est, lui, sanctuarisé et le pipeline budgétaire vient de transférer à nouveau 98 M€ aux structures nanotechnologiques créées et précédemment dirigées par Mme Fioraso et son compagnon [6]. Comment qualifier les mensonges du chef de l’Etat et la joie de M. Salzmann étalés dans la presse ?

Sans place laissée au hasard, la veille au soir, une fuite orchestrée [7] nous apprenait les funestes projets de M. Salzmann et de son entourage. Nouvelle illustration de la technique du choc et de la stupéfaction, il s’agit d’une attaque d’une virulence inusitée contre les enseignant-chercheurs et l’Université. Sous couvert de « revoir la conception du métier d’enseignant-chercheur », cette nouvelle feuille de route du groupe Marc Bloch prévoit la révision des « référentiels horaires pour qu’ils correspondent réellement à la stratégie de l’établissement ». En substance, il s’agit de rendre obsolète la référence aux 192 heures statutaires annuelles, en donnant la possibilité aux directions des établissements de moduler à la hausse et individuellement le temps d’enseignement. Il s’agit d’organiser la différentiation entre établissements de proximité et établissements de recherche, entre le “périmètre d’excellence” des ComUÉ, et les “collegium” universitaires en charge, dans la misère, de l’enseignement de masse.

Selon ce document, les membres du groupe Marc Bloch souhaitent achever la mise en place d’une féodalité dont ils seraient naturellement les suzerains : supprimer la procédure de qualification, redonner ses lettres de noblesse à l’endo-recrutement [8], contrôler des “fiches de postes”, introduire systématiquement des néo-managers dans les comités de sélection, multiplier le nombre d’étapes de la procédure de recrutement. Du reste, l’ensemble du texte déploie une inventivité remarquable pour occuper les enseignant-chercheurs à autre chose qu’à faire leur métier : créer, transmettre et critiquer les savoirs.

Cette attaque frontale visant à priver les universitaires de leur statut ne se comprend qu’agencée avec la création des ComUÉ [9] d’une part, et avec la baisse volontariste et massive des budgets, d’autre part. L’augmentation des frais d’inscription suivra, en toute logique. Il s’agit de procéder à un coup d’accordéon : créer artificiellement des monstres aussi bureaucratiques que dysfonctionnels, puis en prélever une petite structure [10] concentrant les moyens, laissant l’enseignement de proximité — de masse — à des enseignants à temps plein.

Vous pensiez le repli cellulaire comme une stratégie de survie pérenne ? Vous voilà détrompés.

[1] A ce propos, saviez-vous que le fondateur de Couperin, ce consortium dont l’une des premières actions fut de signer un contrat léonin avec Elsevier, est aussi le père des ComUÉ, ces usines à gaz venues s’ajouter au mille-feuille bureaucratique pour priver la communauté universitaire de ses derniers moyens d’action.
[2] A la décharge de M. Hollande, ce discours — plein de provocations sur les regroupements imposés autoritairement par la DGESIP — a dû être écrit par son conseiller, membre du groupe Marc Bloch. Dépêche AEF en date du 13 décembre 2014: F. Hollande à la CPU : l’engagement de sanctuariser le budget des universités est une “bataille de tous les instants” [SIC]
[3] http://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/2438/AN/267.asp
[4] http://lesupenmaintenance.blogspot.fr/
[5] Lors d’une audition au Sénat le 4 juin 2014, Geneviève Fioraso a annoncé l’équivalent d’1,6 milliard d’économie pour l’ESR en 2015-2017. http://www.letudiant.fr/educpros/actualite/universite-economies-budgetaires-la-communaute-universitaire-de-plus-en-plus-inquiete.html
[6] http://www.mediapart.fr/journal/france/121214/recherche-le-pont-dor-fait-aux-nanotechnologies-met-fioraso-sur-la-sellette
[7] Dépêche AEF en date du 11 décembre 2014 Enseignants-chercheurs : les propositions de la CPU sur leur recrutement, leur formation et leurs carrières
[8] Il suffit de rechercher la production scientifique de nombre des membres du groupe Marc Bloch pour constater qu’ils étaient en situation d’échec professionnel avant de grimper dans la hiérarchie.
[9] On se souvient que le groupe Marc Bloch usa de mensonges, de pressions, de menaces etc., pour imposer cette forme de regroupement et pour annihiler toute forme de démocratie universitaire. Episode mémorable, il alla jusqu’à falsifier un amendement législatif déposé par le groupe écologiste du Sénat. Le contenu de cette tentative de faux et usage de faux ? Celui qui finit par passer à la faveur d’un cavalier législatif entre vache et cochon :
http://www.resau.fr/cavalier_agricole.pdf
[10] Dixit M. Tirole « La norme internationale se situe à 10-15.000 étudiants, pas plus. En France, les universités sont bien au-delà de ces chiffres, ce n’est pas sérieux. »

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