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Ce n’est pas le peuple qui crée l’événement, c’est l’événement qui crée le peuple

Comme l’exprime le livre « A nos amis », le peuple, c’est toujours ce qui manque. Le commun c’est plus ce que l’on doit en commun que ce que l’on a déjà en commun. C’est dans l’événement, dans l’action, que les liens se nouent.

Ce qui était imprévisible, impossible quelques semaines avant, voire quelques minutes avant un événement, devient possible. Sartre le disait autrement: c’est l’événement qui crée le groupe et qui permet aux individus « sériels » , « côte à côte » de ne plus être une collection amorphe de solitudes, mais d’accéder à une « identité groupale ».

On comprend que tout soit fait pour que de telles circonstances n’arrivent jamais ou le moins possible. Autour de nous, les pouvoirs de toute nature s’épuisent à dénigrer, à mépriser tout besoin de collectif.

On célèbre ainsi l’autonomie des individus; on érige comme citoyens modèles des personnes isolées et retranchées chez elles , effrayées par la collectivité, et par toute manifestation de vie, et qui réclament sans cesse de moins en moins de social et de plus en plus de sécuritaire, pour conjurer leur impuissance.

On méprise le don, on méprise ce qui est gratuit et on méprise tous ceux qui ont besoin des autres, qui ne se montrent pas « autonomes », c’est à dire coupés de la vie publique, renonçant à tout changement social et autocentrés.

En Pédagogie sociale, on fait l’inverse et, souvent, ça étonne; on ne le comprend pas. On ne comprend pas qu’on mène une action où on n’exige pas des participants d’être responsables, engagés, autonomes (c’est à dire, clients). On ne comprend pas que nous mettions en place des structures qui, justement soutiennent et que nous ne commencions pas, comme font tant d’institutions, par renvoyer chacun à se soutenir tout seul.

On ne comprend pas que non seulement nous tolérions la dépendance, mais qu’en plus, nous la cultivions, comme autant de liens qui se créent à l’intérieur d’une communauté. On ne comprend pas que, pour nous, l’autonomie n’a rien à voir avec l’absence de dépendance, mais, au contraire , vise une culture d’interdépendances.

Chez nous, ce ne sont pas les gens qui soutiennent la structure, mais la structure qui soutient les gens.

Nous ne pensons pas que soutenir, guider, donner soient de mauvaises choses. Nous n’avons pas une idéologie post-libérale de l’entrepreneuriat de soi-même, de l’ultra responsabilisation de tout (avec la pénalisation qui est son pendant).

Nous ne cédons pas à la pression du libéralisme. Nous ne voulons pas transformer les gens en « clients » de nos actions, selon le modèle qui s’impose progressivement, y compris dans le secteur social.

On comprend pourquoi le libéralisme et les pouvoirs institutionnels et politiques qui le soutiennent aiment le « client ». Le client, en effet, est parfaitement autonome dans sa démarche. Il ne réclame rien de plus que ce qu’il paie; en fait, il ne demande rien. Il n’est pas fondé à espérer autre chose que ce qu’on lui vend . Il n’a pas à espérer quelque lien ou relation en plus avec ses fournisseurs et débiteurs. Par définition, il est « quitte »; il est sommé de ne rien devoir et qu’on ne lui doive rien. Son autonomie d’apparence n’est que d’impuissance. Il ne peut avoir et prétendre que la valeur qui lui avait déjà été attribuée à son insu.

C’est pourquoi en Pédagogie Sociale, nous n’aimons ni les clients, ni le clientélisme et que nous promouvons et tenons l’économie du don.

Nous pensons au contraire que la possibilité pour tout un chacun de faire l’expérience de dépendances réussies , de collectifs sécurisants et tolérants, est une expérience fondatrice.

Nous concevons ainsi notre action comme une « machine à produire »… Une machine à produire, le lien, l’interdépendance, le commun, le collectif, la conquête de la capacité de produire, l’acquisition et la pratique de tous les langages et modes d’expression…

La plupart du temps, dans la pensée courante, liée au secteur social, on se donne des objectifs partiels, coupés de la logique qui leur donne du sens ou qui les a produits.

On fait ainsi des actions destinées au développement du « lien social », sans jamais nous dire à quoi va servir ce lien. On en promeut d’autres au nom du « développement de la convivialité », comme si la convivialité en soi était un but, ou qu’elle produisait quelque chose.

La Pédagogie sociale permet de donner un sens global à ces éléments, en fonction d’une direction: la construction communautaire. Le développement des liens sociaux constitue la base de ce processus, à partir d’une action qui est première et préexistante (qui fait événement).

Les liens sociaux ainsi « produits » sont ensuite mis au service de la construction d’une « identité groupale », souhaitable et tenable par tout un chacun. C’est la réussite de cette étape que manifeste « la convivialité ».

Mais tout cela est mouvement, vers une troisième étape qui constitue à la fois le sommet de cette pyramide, et la logique de l’ensemble : la communauté.

Seule cette communauté peut fonder le vivre ensemble, le « faire société » et même cette conflictuelle notion de « citoyenneté ». Elle n’est pas la propriété des institutions, elle est une nécessité à construire en commun… Celle-ci n’a rien de naturelle, inférieure, primitive. Elle est tout le contraire du communautarisme qui arrive justement quand aucune communauté n’est pus possible.

Elle ne s’enseigne pas par des cours de morale; elle ne se décrète pas par une identité imposée. Elle est construite dans l’expérience, à partir d’une pédagogie productrice.

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Association Intermèdes-Robinson

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